1er Avril, fête nationale de Chypre

Texte de Evagoras Mavrommatis

Président de la Communauté Chypriote de France

L’île de Chypre a été sous occupation étrangère depuis 1191, successivement par les Francs, les Vénitiens, les Ottomans et enfin par les Anglais depuis 1878, lorsque les Turcs, après leur défaite en Crimée, ont été contraints de céder Chypre aux anglais pour payer leurs dettes.

Un demi-siècle plus tôt, lors de la Révolution grecque de 1821,  Chypre avait déjà participé à la lutte contre les Turcs avec ses combattants et son soutien financier. Même si les livres d’histoire ne le mentionnent pas, en France  les chypriotes frères Karadzia   étaient parmi les pionniers de la « Société des compagnons » (Φιλική Εταιρεία) et en Chypre nombreuses étaient les victimes des massacres et des pendaisons parmi le peuple et le clergé le 9 juillet 1821.

Un demi-siècle plus tard, en 1878, une grande partie du territoire grec avait été libérée et le nouvel État hellénique était institué, malgré les difficultés.

 L’ arrivée du premier gouverneur anglais a remonté  le moral des Chypriotes, qui pensaient que leurs rêves de liberté, puis de l’union avec la mère-patrie de la Grèce, seraient bientôt réalisées. La flamme chypriote pour l’union était incandescente et tout le monde avait dans la bouche la phrase:

« Que Dieu nous permette de se joindre à notre mère, même s’il nous faut rester affamés ou manger des pierres dans les montagnes « 

(Είθε να δώσει ο Θεός στην μάννα μας να πάμε,

κι΄ας τρώμε πέτρες των βουνών αν δεν έχει να φάμε. )

Mais ils ont vite compris que les Anglais n’accorderaient jamais aux Chypriotes le droit à l’autodétermination. Toutes les actions entreprises depuis, sont restées vaines…

Le 15 janvier 1950, l’Église de Chypre organisa un référendum ou 96% de votants (parmi lesquels de nombreux Chypriotes Turcs) se sont exprimés en faveur de l’union de Chypre avec la Grèce. Avec ce résultat, l’église et les Chypriotes de la diaspora ont tenté d’internationaliser le sujet sans résultat.

La seule option qui restait était la lutte armée. Les Chypriotes vivant en Grèce ont commencé à s’organiser. George Grivas, Chypriote et  officier de l’armée grecque, s’infiltre à Chypre et commence à organiser le combat.

En 1955, tout était prêt. Le chef militaire de la lutte était  George Grivas sous l’alias Digenis et le chef politique  l’archevêque Makarios. La date du 25 mars (célébration de la libération grecque par les turcs) a été symboliquement choisie pour le soulèvement contre les anglais,  mais la pleine lune rendrait difficile l’opération, qui fût ainsi repoussée pour la nuit du 31 mars au 1er avril.

A minuit, sur l’ordre de Digenis, des explosions assourdissantes ont secoué les villes de l’île, visant  plusieurs cibles anglais.  L’adhésion du peuple à la lutte était totale et  les Britanniques ont commencé à s’inquiéter. 1 200 marines sont arrivés à Chypre pour  prêter main-forte à la  police. Ils ont commencé par interdire la circulation sur les routes des villes et des villages.  Ils ont encerclé des villages entiers avec des barbelés afin d’y « confiner » les habitants. Le nouveau gouverneur, le général John Harding, a utilisé aussi les Chypriotes turcs, jusque là neutres et plutôt indifférents. Ils se sont mis à jouer le  jeu des anglais mais aussi de la Turquie qui s’est réveillée et demandait la partition de l’île entre les deux communautés .

Les nombreuses arrestations, les tortures, les meurtres, même de jeunes enfants, l’exil, la pendaison des 9 jeunes combattants, n’ont pas pu briser le moral de la population. Il n’y avait pas une seule maison dans les villages de Troodos et surtout dans la région de Pitsilia qui n’avait pas servi  comme refuge pour les combattants.

  Au bout de quatre années de lutte, les Chypriotes étaient parvenus à plier les anglais sur le plan  militaire, mais les politiciens ont fini par céder aux exigences des Anglais et des Turcs. Le simulacre d’ « indépendance » ainsi obtenue  a conduit aux évènements de 1963 – 1964 et finalement à  l’invasion turque de 1974 avec les conséquences désastreuses bien connues, une situation de fait qui perdure malheureusement à ce jour.

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