La genèse d’un titre par Robert Manthoulis

Grèce-sur-Seine : la genèse d’un titre

Il y a longtemps — bien avant mes années à la Communauté Hellénique de Paris et des Environs — j’ai été membre du jury au Festival International de Programmes Audiovisuels à Cannes [FIRA]. Le président a eu l’idée de commencer par nous faire monter sur scène pour une présentation des membres du jury au public. Chacun d’entre nous devait dire son nom et celui du pays qu’il représentait. Mon tour est venu, mais je ne savais toujours pas si j’avais été invité en tant que représentant de la France ou de la Grèce : le dernier semblait plus logique, mais difficile à assumer compte tenu du fait que je résidais à Paris en tant qu’ « apatride », ayant fui le régime des colonels. Paniqué, j’ai eu une idée au dernier moment : j’ai pensé que j’habitais Paris, au bord de la Seine, à sa rive… Gauche. Ainsi, juste après la présentation de l’espagnol, j’avance en annonçant : « La Grèce-sur- Seine ». La moitié de la salle a souri, ayant compris « La Grèce-sur-scène ». L’autre moitié a suivi, ayant compris le jeu des mots. Ca m’a rappelé les premiers films en anglais projetés en Grèce : les soldats anglais étaient les premiers à rire, suivis par les spectateurs grecs quand les sous-titres apparaissaient à l’écran. Voilà pour la partie anecdotique de l’histoire.
Des années plus tard, je me suis retrouvé Président de la Communauté Hellénique de Paris et des Environs et j’ai réalisé que le contact avec la population française et franco-hellénique… de Paris et des Environs, lui faisait cruellement default. Nous connaissions tous l’œuvre de bon nombre de nos compatriotes qui participaient à la vie culturelle française, mais personne n’avait pris la peine de la valoriser aux yeux des français. A cette époque, la municipalité de Paris décide de célébrer la première participation des ressortissants européens aux élections municipales françaises et demande aux Communautés des ressortissants des onze pays-membres de co-organiser une soirée. Aucune n’a répondu à l’invitation, hormis  nous !
Nous avions préparé une semaine entière avec la participation de : Costas Gavras, réalisateur et Président de la Cinémathèque française; Vassilis Aléxakis, écrivain, récompensé par plusieurs prix littéraires ; Yannis Kokkos, metteur en scène et scénographe à la Comédie française; Angélique Ionnatos, compositrice et chanteuse; Alexandra Papadjiakou, cantatrice mezzo-soprano ; Yannis Vakarellis, pianiste ; Pavlos, artiste peintre, plasticien. C’est avec l’exposition des œuvres de ce dernier que la Semaine grecque a commencé, en présence du Maire de Paris, qui a invité par la suite 2.000 membres de notre Communauté à  une réception tenue dans les salles somptueuses de l’Hôtel de Ville.
Cette manifestation a été un événement unique dans les annales de la diaspora grecque de Paris. Selon Aléxakis ça pourrait se comparer à la soirée organisée en 1821 par Rossini pour soutenir le soulèvement grec contre les turcs. Notre semaine grecque a eu un tel succès, surtout auprès du public français, que nous avons dû utiliser un nombre de salles – avec son et image – beaucoup plus grand que prévu initialement, pour que tout le monde puisse y assister.

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Quel nom donner à une manifestation de ce type ? Lors de la croisière que nous avions organisée en bateau-mouche à la Seine, j’ai pensé : la Seine ! Mais bien sûr : La « Grèce-sur-Seine ». Une Grèce qui, au delà de la cuisine grecque, offre aussi une nourriture culturelle aux Européens et aux Français ; et, de surcroît, chez eux ! Je suis content de voir que ce titre continue d’inspirer les grecs de la diaspora, et j’espère qu’il contribuera encore à la promotion de notre culture.

Robert Manthoulis,
Cinéaste, ex-Président de la Communauté Hellénique de Paris et des Environs
[1990 – 1994  &  1997 – 2000]

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